Dans une interview avec le Land en 2011, tu disais « une scène n’est pas là pour décorer, il doit y avoir interaction ». Est-ce toujours vrai pour toi ?

14 ans plus tard, je nuancerais ce propos. Au théâtre, chaque moindre petit choix a une signification importante, qu’il s’agisse des formes, des couleurs, des matières… Parfois, il y a aussi des heureux accidents et la magie du spectacle vivant opère. Les termes expriment des nuances parfois difficiles à saisir et varient de pays à pays: on parle ainsi de scénographie, de décor de théâtre, de mise en scène…

Le texte Le Siècle de Lucia de Jean Portante est très personnel. Est-ce que ceci change ta perception sur l’œuvre ?

Ceci rend la chose encore plus touchante, même si chaque création (littéraire, musicale, fiction) émerge d’une expérience et d’un vécu personnels. Depuis un moment, je porte un intérêt particulier aux souvenirs et à la recherche des objets du passé, comme on les trouve dans les greniers. On a tous un étui, un carnet, une boîte, une malle, une valise, un coffre, un souvenir… gravé à jamais dans la mémoire et dans le corps.

Dans ce sens, j’espère être à la hauteur du précieux du récit de Jean Portante. Enfin, je suis particulièrement passionnée par le fait que la pièce de théâtre soit une création commune entre l’écrivain, le compositeur et le metteur en scène.

Le Siècle de Lucia parle de l’Italie, du Luxembourg, du bassin minier, mais aussi de l’amour, de l’incertitude, de la mémoire, et de la mort. Comment créer un espace pour tous ces éléments?

Avec ma scénographie, je souhaite exprimer un espace mental où coexistent toutes ces réalités, où le passé et le présent s’entremêle. Par considération écologique, j’aime travailler avec des matériaux biodégradables et récupérer du matériel de scène dans des déchèteries ou du stock de théâtres.

Parallèlement, je laisse la place aux étincelles qui naissent spontanément, aux hasards, aux idées qui émergent grâce aux échanges entre tous les artistes impliqués. Mon travail se situe au croisement des maillons essentiels à la construction d’une œuvre théâtrale.